Quand les lois privent les paysans de leurs terres : la réforme agraire à rebours de l’Asie

L’Asie est une terre de paysans. Mais d’un bout à l’autre du continent, les gouvernements introduisent actuellement dans leur législation foncière des changements qui menacent de déplacer des millions de paysans et de mettre à mal les systèmes alimentaires locaux. L’Asie est confrontée à une réforme agraire à rebours.

Malgré des décennies d’industrialisation et de croissance économique rapides, les campagnes asiatiques comptent à elles seules davantage de paysans que le reste du monde. La pérennité des paysans d’Asie témoigne de leurs talents, de leur profond attachement à la terre et de leurs luttes historiques. Au fil du temps, les paysans ont réussi à obtenir des protections juridiques qui leur ont fourni quelques garanties de base pour préserver leur accès aux terres.

Mais l’héritage de ces luttes est en danger. Aujourd’hui les paysans d’Asie sont relégués sur des parcelles de plus en plus petites. Sur tout le continent, la terre agricole disparaît au profit des barrages, des mines, des projets touristiques et de l’agriculture à grande échelle, et peu importent les gens qui dépendent de ces terres pour leur survie. Des fermes dont les familles paysannes ont pris soin depuis des générations sont recouvertes de béton pour construire des routes ou permettre le développement immobilier au fur et à mesure que les villes s’étendent. Les vieilles promesses des gouvernements de redistribuer la terre de manière plus juste ont été reniées et ce sont souvent les gouvernements qui privent les paysans de leurs terres.

Des paysans taïwanais manifestent contre la perte de leurs terres pour des raisons de développement industriel. (Photo: Munch Kao/Taiwan Rural Front)

La concentration foncière en Asie est plus élevée de nos jours qu’elle ne l’a jamais été : en Asie, 6 pour cent des propriétaires fonciers possèdent les deux tiers de la superficie agricole. Beaucoup de ces propriétaires fonciers font partie des élites politiques, comme on le voit aux Philippines, en Malaisie, au Pakistan et en Indonésie.1

L’une des conséquences de cette concentration croissante est l’émergence des conflits fonciers dans tout le continent. Les manifestations paysannes contre l’accaparement des terres sont devenues une occurrence régulière dans les rues des grandes villes comme Phnom Penh et Manille. Les tribunaux chinois et vietnamiens ont des milliers de cas de conflits fonciers en attente. Et la répression armée est souvent une dure réalité quotidienne là où les communautés opposent une résistance à l’accaparement des terres, de la Papouasie occidentale au Bengale occidental.

Le présent rapport montre comment dans toute l’Asie les gouvernements mettent discrètement en place une série de changements législatifs destinés à faire disparaître les quelques protections dont bénéficiaient traditionnellement les paysans, laissant ainsi les grandes entreprises s’emparer de leurs terres pour développer l’agriculture à grande échelle. Les changements varient selon les pays, mais ils ont tous pour but d’aider les entreprises à obtenir des paysans qu’ils leur cèdent de vastes parcelles de terre.

Ces changements législatifs vont déplacer des millions de familles paysannes, ruiner les systèmes alimentaires locaux et augmenter le nombre et la violence des conflits fonciers.

 

Villageois cambodgiens déplacés pour laisser la place à des plantations de canne à sucre appartenant à un sénateur ayant le bras long. Moins d’un quart des paysans philippins – ils sont un million et demi - possèdent des terres. Le gouvernement a adopté une nouvelle loi autorisant les entreprises privées à devenir propriétaires de concessions de 10 000 ha sur une période pouvant aller jusqu’à 99 ans. Cette loi a permis le transfert de 70 % de la superficie arable du pays, soit 2,1 millions d’hectares, aux entreprises d’agriculture industrielle, et chassé des milliers de paysans de leurs terres. (Photo: Nicolas Axelrod and Thomas Cristofoletti/Ruom Collective)
Villageois cambodgiens déplacés pour laisser la place à des plantations de canne à sucre appartenant à un sénateur ayant le bras long. Moins d’un quart des paysans philippins – ils sont un million et demi – possèdent des terres. Le gouvernement a adopté une nouvelle loi autorisant les entreprises privées à devenir propriétaires de concessions de 10 000 ha sur une période pouvant aller jusqu’à 99 ans. Cette loi a permis le transfert de 70 % de la superficie arable du pays, soit 2,1 millions d’hectares, aux entreprises d’agriculture industrielle, et chassé des milliers de paysans de leurs terres. (Photo: Nicolas Axelrod and Thomas Cristofoletti/Ruom Collective)

 

 

Utilisation des réformes législatives pour chasser les paysans de leurs terres

La montée de l’intérêt pour les terres agricoles provoque une offensive de mesures législatives visant à transférer les terres des paysans aux grandes entreprises. D’énormes sommes d’argent sont investies par des banques, des fonds spéculatifs, des magnats de l’industrie et des négociants transnationaux en matières premières, dans des plantations et autres opérations agricoles industrielles. Les gouvernements sont sous pression : ces investisseurs réclament l’ouverture des terres agricoles et peu de gouvernements sont capables de leur résister. La frénésie d’accords de libre-échange bilatéraux et multilatéraux signés dans les quinze dernières années par les gouvernements asiatiques a bloqué les pays dans des politiques qui favorisent l’agriculture industrielle et les investisseurs étrangers aux dépens des petits producteurs (voir encadré 1 sur les accords de libre-échange).

Dans certains cas, la législation est destinée principalement à transférer les terres pour réaliser des projets industriels, touristiques ou des infrastructures, et ne concerne donc pas l’agriculture industrielle, mais la tendance dans la région est clairement à se débarrasser des freins législatifs et autres qui empêchent les entreprises étrangères et nationales de mettre la main sur de grandes surfaces de terre agricole.

Chaque pays a une tactique différente, mais on peut grosso modo répartir les changements en deux catégories.

D’une part, les lois et les mesures qui permettent aux gouvernements de découper de grandes zones en concessions et de les louer ou de les vendre aux entreprises. C’est le cas en Birmanie, au Cambodge, au Laos, en Indonésie, au Pakistan, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Thaïlande.

D’autre part, des lois peuvent être ratifiées ou amendées pour légaliser de nouveaux projets de consolidation des petites fermes et le transfert des terres aux entreprises impliquées dans l’agriculture industrielle. Chaque programme se présente sous une étiquette différente : ce sont les “agriparcs” en Inde, les “trusts de mise en circulation des terres” en Chine, les “banques de terres” en Corée, les “clusters ” aux Philippines ou les “entreprises spéciales de production agricole” au Japon. (voir encadré 2 sur la Chine)

Le tableau n°1 (en anglais seulement – télécharger le PDF ou en format Excel) montre les lois mises en place dans différents pays asiatiques. Des informations complémentaires sont fournies dans l’annexe.

Selon les calculs de GRAIN, les changements législatifs inclus dans le tableau n°1 ont déjà causé le transfert d’au moins 43,5 millions d’hectares de terres agricoles asiatiques des paysans aux grandes entreprises agroalimentaires.2

En Asie, le nombre de paysans diminue, de même que la taille de leurs exploitations, tandis que le nombre des fermes industrielles augmente rapidement. Ainsi le nombre de petits producteurs indonésiens a diminué de 16 pour cent entre 2003 et 2013, alors que le nombre des fermes à grande échelle augmentait de 54 pour cent et celui des plantations de 19 pour cent au cours de la même période. La plupart des agriculteurs indonésiens, environ 55 pour cent, travaillent désormais sur moins d’un demi-hectare.3 De même, le nombre d’agriculteurs japonais a baissé de 40 pour cent depuis 2000, alors que le nombre des “entreprises spéciales de production agricole” passait à 14 333, soit le double de ce qu’il était en 2004.4

Encadré 1 – Accords commerciaux et transferts de terres

Les accords de libre-échange et les accords d’investissement jouent un rôle important dans la mise en application des lois et des politiques qui facilitent le transfert des terres des petits agriculteurs aux grandes entreprises de l’agrobusiness. Ils le font à la fois de manière indirecte, en encourageant la production spécialisée, verticalement intégrée, des matières premières exportées, et directement, en obligeant les gouvernements à faire tomber les barrières à l’investissement étranger, notamment en agriculture.5

 

Camions chargés de canne à sucre dans la province de Kampong Speu au Cambodge (Photo : Thomas Cristofoletti)
Camions chargés de canne à sucre dans la province de Kampong Speu au Cambodge (Photo : Thomas Cristofoletti)

 

 

Ainsi, les négociations de l’Australie avec la Chine en matière de libre-échange ont provoqué un flux rapide et massif d’investissements des entreprises chinoises dans les terres agricoles australiennes. L’objectif est de produire des marchandises pour l’exportation : produits laitiers, sucre et bœuf. La vague d’investissement a été si intense et si controversée que le gouvernement a été forcé de négocier un nouveau règlement exigeant que son Conseil de surveillance des investissements étrangers étudie de près les ventes de terres agricoles dépassant un total de 15 millions de dollars aux acheteurs étrangers. Cette condition a été incluse dans les accords de libre-échange (ALE) négociés avec la Chine, la Corée et le Japon en 2014, mais elle ne s’applique pas aux sociétés étrangères des États-Unis, de Nouvelle-Zélande ou du Chili, parce que les ALE avec ces pays avaient déjà été conclus.6Au Cambodge, l’adoption en août 2001 de la Loi sur les concessions foncières économiques est étroitement liée à l’accord commercial préférentiel “Tout sauf les armes” (TSA) que le pays avait signé quelques mois plus tôt, en mars 2001, avec l’Union européenne. Cette loi a établi un cadre juridique permettant d’allouer des concessions de grande taille et à long terme, pouvant aller jusqu’à 10 000 ha et 99 ans, afin de développer l’agriculture industrielle. Depuis, plusieurs concessions de plantations ont été octroyées, dans le cadre de l’initiative TSA, à des entreprises, pour la production de sucre destiné à l’exportation vers l’Europe.

Selon une évaluation de 2013, la politique de grandes concessions foncières du Cambodge et l’initiative européenne TSA ont, de par leurs effets conjugués, eu des conséquences dramatiques pour les droits humains. Dans la province de Koh Kong, notamment, deux villages et plus de 11 500 ha de rizières et de vergers appartenant à plus de 2 000 familles ont été détruits pour faire place à une plantation de canne à sucre. Plus d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants ont perdu leur maison.7

Au Japon, la décision du gouvernement de revoir sa législation sur les terres agricoles est intimement liée à sa participation au Partenariat transpacifique (TPP). Quoique le TPP soit encore en début de négociation, le Japon se prépare déjà à une réduction des taxes sur les produits agricoles en encourageant le passage d’une petite agriculture à une agriculture industrielle, qu’il considère comme plus concurrentielle au niveau international. Le gouvernement est donc en train d’assouplir la réglementation sur l’introduction de sociétés privées dans le secteur agricole, en encourageant la consolidation des terres agricoles et en établissant deux zones spéciales d’importance stratégique pour accommoder l’agriculture industrielle.8 Ces zones couvrent environ 1,5 million d’hectares de terres agricoles, soit un tiers de la superficie totale cultivée du le pays, qui est de 4,6 millions d’hectares.9

L’ampleur du transfert de terres

Divers arguments sont utilisés pour justifier de modifier ou de changer la législation foncière. Il est dit que les paysans abandonnent les campagnes pour aller travailler en ville. On nous raconte que les grandes fermes sont plus rentables et concurrentielles et que l’agriculture industrielle crée des emplois.10 Et si l’on en croit les donateurs et les prêteurs internationaux, la libéralisation des marchés fonciers est source de stabilité sociale et stimule le développement économique.11

Aucun de ces arguments ne résiste à l’analyse. D’un bout à l’autre de l’Asie, les agriculteurs ne sont pas en train d’essayer de fuir leurs terres, ils se battent au contraire pour les garder. Le fait est que l’adoption croissante des systèmes agricoles industriels et l’augmentation de la mainmise des grandes entreprises sur la distribution alimentaire – des changements soutenus par les nouvelles lois foncières – ont provoqué une dépendance vis-à-vis d’intrants coûteux, la dégradation de la terre et de la biodiversité, et une grande volatilité des prix des produits agricoles. Les conséquences sur les petits paysans ont été catastrophiques, provoquant dans certains endroits une vague de suicides parmi les paysans endettés forcés d’abandonner leurs terres.

En fait, ce sont les politiques des gouvernements asiatiques qui obligent les paysans à émigrer vers les zones urbaines pour fournir une main d’œuvre bon marché à la production destinée à l’exportation.

Les arguments sur la productivité et la rentabilité sont eux aussi fallacieux. Les paysans asiatiques sont parmi les plus efficaces et les plus productifs de la planète. En vérité, ce sont les petits producteurs qui nourrissent l’Asie. Quoique que l’Asie ait le plus fort pourcentage de petites fermes, ses agriculteurs parviennent à produire 44 pour cent de la totalité des céréales dans le monde. L’Inde est le plus gros producteur laitier du monde, alors que 85 pour cent du secteur laitier national est opéré par les petits producteurs laitiers. En élevant entre un et dix porcs par an, les petits producteurs chinois assurent 27 pour cent de la production de porc du pays. Et cinq pays d’Asie, qui ont une majorité de petits agriculteurs, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Thaïlande et le Vietnam, produisent 70 pour cent du riz mondial.12

Résistance

Le transfert des terres en Asie représente un tournant fondamental : le passage d’une agriculture traditionnelle et de systèmes alimentaires locaux à une chaîne alimentaire fournie par une agriculture industrielle aux mains des grandes entreprises. Si ces changements se poursuivent, ils ne pourront qu’avoir des conséquences majeures dans tous les domaines, qu’il s’agisse de sécurité alimentaire, d’environnement, de cultures locales ou de moyens de subsistance des populations.

 

Janvier 2015 : des agriculteurs indiens manifestent contre les déplacements forcés. (Photo : National Alliance of Peoples Movements)
Janvier 2015 : des agriculteurs indiens manifestent contre les déplacements forcés. (Photo : National Alliance of Peoples Movements)

Les gouvernements choisissent leur camp dans cette lutte qui se joue sur l’avenir de la terre et de l’alimentation. L’Inde en offre un bon exemple : une mobilisation populaire soutenue avait amené le gouvernement à adopter une législation qui nécessitait des mesures d’impact social et une large consultation avec les communautés concernées, avant de pouvoir transférer les terres ; mais la loi sur l’acquisition des terres de 2013 avait à peine été votée qu’un arrêté l’annulant fut voté de manière précipitée par l’exécutif à la fin de 2014.

Les luttes foncières dans lesquelles sont engagées les populations rurales commencent à prendre des dimensions sociales beaucoup plus larges. On le voit dans les manifestations de rues contre le décret d’acquisition des terres en Inde ou les actions imaginatives menées à Taiwan pour empêcher la conversion des terres agricoles. Dans toute l’Asie, les gens affirment clairement qu’ils veulent que les terres agricoles restent aux mains de leurs paysans. Ils veulent que leur gouvernement arrête d’encourager les grandes entreprises à mettre la main sur l’agriculture.

L’exemple de la résistance en Inde – et de fortes mobilisations populaires sur cette question ont lieu aussi au Cambodge, à Taiwan, aux Philippines et ailleurs (voir Annexe 1) – illustre l’impact que peuvent avoir les communautés rurales et urbaines quand elles joignent leurs efforts, et toute l’importance d’établir des liens aux niveaux local et régional pour se donner des moyens de pression politique efficaces.

Il est urgent de renforcer cette résistance contre la récupération de la réforme agraire pour favoriser les intérêts de l’industrie agroalimentaire. Les paysans, les groupes autochtones et les organisations de la société civile de la région sont en train de former des coalitions pour défendre les intérêts des paysans contre les accords de libre-échange et les politiques nationales en faveur de la privatisation et de la marchandisation de la terre agricole.

(GRAIN tient à saluer et à remercier tous ceux qui nous ont fait part de leurs opinions, connaissances et expérience pour cette publication : Yan Hairong, Forest Zhang, L’assemblée des Pauvres de Thaïlande, Cambodge équitable, Le Comité de coordination indien des mouvements paysans, NOUMINREN [Mouvement des petits agriculteurs japonais], Le Front rural taïwanais, le Peoples Common Struggle Centre du Pakistan, et le Lao land issue working group [groupe de travail laotien sur les questions foncières].)

Encadré 2 : les “trusts de mise en circulation des terres ” en Chine

En décembre 2013, la Chine a annoncé sa dernière grande réforme agraire par le biais d’une résolution du Comité central. La résolution suscite une attention considérable parce qu’elle pose les bases de la transformation de l’agriculture chinoise.

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La résolution montre combien le gouvernement chinois est favorable à l’intensification des transferts de droits d’utilisation des terres dans les zones rurales et marque une grande avancée vers la privatisation complète des terres agricoles. C’est l’extension du programme de décollectivisation des terres agricoles chinoises qui a commencé vers la fin des années 1970 quand des droits d’usage individuels ont été octroyés pour la première fois. Des capitaux de plus en plus importants sont investis dans les campagnes et le transfert des droits d’utilisation des terres à de grandes entreprises est de plus en plus fréquent.Alors qu’il n’est toujours pas possible d’acheter ou de vendre des terres agricoles, les paysans peuvent désormais transférer leurs droits d’usage de la terre à de grandes sociétés agricoles ou convertir ces droits en actions dans ces sociétés. Ces nouvelles sociétés peuvent être des entreprises, des coopératives ou des “fermes familiales”, un nouveau concept faisant référence à une ferme commerciale d’assez grande taille qui est aussi apparu dans les documents officiels chinois en 2013, mais qui est tout à fait différent de la petite exploitation rurale traditionnelle.13

Afin de faciliter le transfert des droits d’usage de la terre à ces nouvelles sociétés, certains gouvernements locaux ont établi un nouveau programme, le trust de mise en circulation des terres. Les trusts agissent comme intermédiaires. Ils acquièrent de multiples droits d’usage des terres auprès des paysans d’une certaine région, identifie les sociétés intéressées, puis s’arrangent pour leur louer les terres. Le trust est comme une banque dans laquelle les paysans « déposent » leurs droits fonciers pour que le trust puisse ensuite les louer à des exploitations agricoles beaucoup plus importantes.

 

Schéma 1 : Fonctionnement d’un trust de mise en circulation des terresSchéma 1 : Fonctionnement d’un trust de mise en circulation des terres

La première entreprise à se précipiter dans cette histoire de trust a été la société financière géante CITIC15, qui appartient à l’État. Son fondateur est l’ancien vice-président chinois Rong Yiren, l’un des hommes les plus riches d’Asie et l’un des principaux hommes politiques responsables de l’ouverture de l’économie du pays à l’investissement étranger.16 Le groupe CITIC est également actif dans les acquisitions de terres agricoles à l’étranger, pour établir en particulier des plantations de palmiers à huile en Indonésie et réaliser un énorme projet agricole de 500 000 ha en Angola.17En décembre 2014, deux des plus grosses entreprises agroalimentaires d’Asie, le Japonais Itochu et le Thaïlandais Charoen Pokphand, ont annoncé un accord selon lequel ils allaient prendre à eux deux une participation de 1,9  milliard de dollars dans la société.18Les trusts de mise en circulation des terres de CITIC en Chine sont mis en place avec la participation de la grande entreprise allemande de semences et des pesticides Bayer CropScience, et les trusts de CITIC tentent d’introduire les produits Bayer dans les exploitations agricoles consolidées gérées par le groupe. Le premier projet de trust foncier, situé dans la province d’Anhui en Chine orientale, représente un transfert de 2 100 ha de terres agricoles de la part des agriculteurs locaux qui sont censés recevoir un paiement annuel moyen de 700 à 800 yuans (112-128 dollars) chacun. 19 La province d’Anhui a servi de zone pilote pour ce programme de transfert et le gouvernement chinois a lancé en 2015 un programme sur tout le territoire pour enregistrer les droits contractuels de 200 millions de ménages ruraux sur les terres arables de la nation et ouvrir la voie à de nouveaux transferts.20

D’autres grandes entreprises ont suivi l’exemple de CITIC et Bayer dans le secteur des trusts, notamment le plus gros négociant de céréales chinois, COFCO, le semencier américain Pioneer, et même le géant chinois du e-commerce, Alibaba.

Le nouveau programme de trusts de mise en circulation des terres s’ajoute aux mesures prises précédemment, et qui étaient également destinées à permettre le transfert des terres des paysans aux grandes entreprises agricoles. Il a provoqué des pertes de terres énormes chez les paysans chinois. Selon le ministère de l’Agriculture chinois, 25 millions d’hectares de terres arables ont ainsi été transférées, plus d’un quart de la totalité de la superficie aux mains des paysans.21Une bonne partie de ces transferts concerne des échanges entre familles, mais on observe une tendance croissante à laisser les terres agricoles passer aux mains des grandes entreprises.

 


Annexe 1 – Quelques cas de pays

Birmanie

Soixante-dix pour cent de la population birmane vit en zone rurale, et un tiers de cette population rurale est constituée de travailleurs sans terres.22 En 2000, le gouvernement de Birmanie a lancé un plan directeur pour le secteur agricole ; ce plan devait faciliter le transfert de 4 millions d’hectares à des grandes entreprises alimentaires. En 2012, le pays a adopté la Loi de gestion des terres non occupées, en friche ou vierges, que les paysans appellent la « loi pour l’accaparement des terres » ; l’objectif est de mettre les terres identifiées par le gouvernement comme « non occupées » à la disposition des entreprises, sous forme de concessions allant jusqu’à 20 000 ha.23

Cambodge

Au Cambodge, seuls 23 % du million et demi que représentent les paysans du pays possèdent des terres. En 2001, le gouvernement a voté une Loi foncière et une Loi sur les concessions foncières économiques donnant le droit à des entreprises privées de devenir propriétaires de concessions de 10 000 ha pour une période pouvant aller jusqu’à 99 ans.24 Ceci a permis le transfert de 70 % de la superficie arable du pays, soit 2,1 millions d’hectares, à des entreprises agricoles industrielles et des milliers de paysans ont été chassés de leurs terres.25

Inde

En 2013, suite à de violents conflits fonciers provoqués par des projets de développement, le gouvernement indien a adopté une nouvelle loi d’acquisition des terres, selon laquelle les terres nécessaires aux projets de développement ne peuvent être acquises sans le consentement d’au moins 80 % des communautés affectée et sans une évaluation d’impact social. La loi interdisait également l’acquisition de terres de polycultures irriguées.

 

(Photo: Manipadma Jena/IPS)
(Photo: Manipadma Jena/IPS)

Mais en décembre 2014, le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi a annoncé un nouveau décret qui devrait éliminer les obligations d’évaluation des impacts sociaux ou de consentement des communautés déplacées, et permettre en outre aux entreprises d’acquérir des terres de polycultures irriguées. Des manifestations massives ont eu lieu depuis : les paysans et les travailleurs agricoles réclament l’abolition de ce qu’ils considèrent comme un décret pro-industrie et anti-paysans. 26 Le décret foncier sert à faciliter l’acquisition des terres, notamment pour la mise en place des gigantesques projets alimentaires prévus, dont le but est de concentrer toute la chaîne de valeur alimentaire, du champ à l’assiette, entre les mains d’une seule entreprise. Le Président Pranab Mukherjee a créé un fonds spécial de 20 milliards de roupies (323 millions de dollars) pour assurer le financement de 72 parcs alimentaires dans la session budgétaire 2015.27

 

Indonésie

La Loi agraire fondamentale n°5 de 1960 projetait un programme de redistribution des terres des plantations de l’ère coloniale et imposait une limite à la taille de la propriété agricole privée. Mais la loi a été gelée après le coup d’État de 1965 et n’a jamais réellement été appliquée. Une grande partie du pays a été ouverte pour y créer de grandes concessions destinées aux plantations ou à l’exploitation minière.

Au cours des dernières années, le processus de consolidation des zones forestières et des petits lots de terre pour en faire des parcelles de grande taille destinées à l’agriculture industrielle s’est accéléré, avec le soutien d’une série de changements juridiques, comme la Loi sur les plantations et la Loi sur l’investissement. En 2010, le gouvernement a introduit un nouveau méga projet, l’Agence pour l’alimentation et l’énergie intégrées de Merauke (MIFEE) qui couvre 2,5 millions d’hectares appartenant à la communauté papoue des Malind. En 2014, une enquête Komnas HAM, la commission nationale des droits humains, a révélé que le projet avait provoqué un nombre croissant de cas de violations des droits et d’intimidation des villageois, une perte des moyens de subsistance et la malnutrition des populations locales.28

Japon

Dans la période qui a suivi la seconde guerre mondiale, le Japon a mis en application l’une des réformes agraires les plus profondes réalisées en Asie. De novembre 1945 au mois d’août 1950, le système des grands propriétaires a été démantelé et plus de 80 % des terres ont été redistribuées aux anciens locataires. Le « principe du propriétaire-cultivateur » fut explicitement écrit dans la Loi sur le foncier agricole de 1952, « reconnaissant que la solution la plus appropriée pour le foncier agricole est qu’il appartienne à ceux qui cultivent et travaillent la terre eux-mêmes. »

En 2009, le Japan Forum on International Relations – un groupe de réflexion dont les positions sont alignées sur celles des multinationales – a proposé une nouvelle politique désignant 1,5 millions d’hectares comme « zones de base de production alimentaire », soit environ un tiers des 4,6 millions d’hectares actuellement cultivés au Japon. Ces zones seraient considérées comme des zones économiques spéciales et donc non régies par la réglementation sur les terres agricoles, y compris la Loi sur le foncier agricole. Dans ces zones, les droits de propriété et de bail deviendraient aisément transférables et seraient ouverts aux travailleurs migrants étrangers.31 Pour permettre de s’approcher de cet objectif, le gouvernement japonais a révisé la Loi sur le foncier agricole la même année. La révision de 2009 a donc abandonné le principe du propriétaire-cultivateur et préféré promouvoir une utilisation « rentable » des terres pour maintenir les droits fonciers. Elle a également ouvert la possibilité de louer des terres agricoles à toutes sortes de grandes entreprises, quasiment sans restrictions. Finalement, la nouvelle loi a rendu plus facile les conditions concernant les utilisateurs et les propriétaires de terres agricoles. En augmentant jusqu’à moins de 50 pour cent le plafond autorisé pour l’investissement des grandes entreprises dans les [coopératives agricoles] qui contrôlent les terres agricoles, la loi en fin de compte transforme ces sociétés en pantins totalement prisonniers de leurs investisseurs. 32

Lao

 

(Photo : Whi.traveler/Flickr)
(Photo : Whi.traveler/Flickr)

Dans la province de Champassak en République démocratique populaire lao, la Banque mondiale a soutenu un projet de développement où chaque villageois reçoit des actions en échange des terres qu’il donne à cultiver à une entreprise. Les promoteurs affirmaient que cela constituerait forme de revenu pour les villageois et leur permettrait d’abandonner l’agriculture pour trouver un emploi mieux payé.29 Cependant une étude a révélé depuis qu’aucun des villageois n’avait reçu de dividendes sur les bénéfices du projet.30 Il est également improbable que les paysans dépossédés de leurs terres aient pu trouver des emplois corrects dans les zones urbaines, car le Laos a déjà un excédent de travailleurs non qualifiés qui se font concurrence pour les emplois mal payés du secteur industriel.

Pakistan

Au Pakistan, malgré une initiative de réforme foncière présentée par la Commission d’enquête du gouvernement sur les Haris (paysans) en 1947, 50 % de la population est sans terre et la plupart des terres agricoles restent sous le contrôle des grands propriétaires. Les terres agricoles du Pakistan ont récemment été ouvertes aux investisseurs étrangers et aux concessions agricoles à grande échelle, grâce au Décret sur l’agriculture industrielle de 2004, puis à la loi sur l’agriculture étrangère de 2009.

Ces mesures autorisent les entreprises agricoles financées à 100 % par de l’argent étranger et offrent de généreux avantages fiscaux, l’exemption des taxes sur les transferts fonciers et la dispense des droits de douane et des taxes sur les ventes pour les importations de machines agricoles. 33 Le Bureau de l’investissement du Pakistan a identifié 22,45 millions d’hectares de terres qui sont mis à disposition pour les grands investisseurs.

Philippines

Les Philippines ont commencé à mettre en place son programme de réforme agraire en 1988. Le CARP, Programme complet de réforme agraire était une réponse à la forte mobilisation de masse des années 1980 qui réclamait des changements. Mais le programme, qui était censé favoriser les propriétaires-cultivateurs dans des fermes de taille économique pour en faire la base de l’agriculture philippine, a octroyé aux grands propriétaires nombre d’exemptions et de possibilités d’évasion fiscale.

 

(Photo : R J Lozada)
(Photo : R J Lozada)

Un décret administratif publié en 1998 fournit le Règlement des arrangements pour les entreprises de l’agrobusiness. Ces arrangements accordent toute une série d’options pour protéger les terres des grandes exploitations agricoles commerciales d’une redistribution (agriculture contractuelle, dispositions relatives au bail, contrats de gestion, mécanismes de construction-exploitation-transfert, et réalisation de joint-ventures).

Jusqu’ici le programme et son amendement CARPER (prolongation du CARP accompagnée de réformes) n’ont pas réussi à redistribuer beaucoup de terres aux paysans, aux travailleurs agricoles ni aux populations rurales sans terre. C’est pourquoi les mouvements paysans ont qualifié CARPER de « réforme agraire bidon ». Ces dernières années, l’agriculture commerciale s’est encore développée avec la création des parcs d’agrobusiness. En 2012, le gouvernement a adopté une nouvelle politique qui a désigné des zones de développement stratégiques pour l’agriculture et la pêche [SAFDZ].Ces zones sont identifiées par le Bureau de l’Agriculture pour les activités de production, de transformation agroalimentaire et de marketing , afin d’aider aux développement et à la modernisation des secteurs de l’agriculture et de la pêche aux Philippines.34

Taiwan

Le décret sur l’expropriation foncière de 2008 a permis au gouvernement de s’emparer de terres agricoles à louer ou à vendre aux développeurs de complexes industriels, aux entreprises et aux installations liées au marché de l’exportation. Dans tout le pays, les paysans ont organisé de nombreuses manifestations de protestation. En juillet 2008, avec le soutien du Front rural taïwanais, les paysans de Wambao, dans le comté de Miaoli, ont lancé un mouvement de protestation contre le gouvernement du comté pour avoir approuvé le projet de développement du parc technologique industriel de Houlong sur leurs terres. Le mouvement a duré trois ans jusqu’à ce que la Commission régionale de planification soit finalement obligée de laisser tomber le projet en 2011. 35

Thaïlande

La loi agraire thaïlandaise n’a pas changé depuis 40 ans. Cependant, le Plan directeur sur les forêts (FMP) émanant du Commandement des opérations de sécurité intérieure et du ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement en 2014 permet d’allouer à des entreprises deux grandes concessions dans les zones forestières, menaçant les petits producteurs qui y vivent et y cultivent les terres d’une relocalisation forcée. Pour les groupes thaïlandais, ce nouveau processus n’est que l’effort le plus récent dans la longue histoire, commencée en 1992, de l’expansion des plantations de monocultures d’arbres comme l’eucalyptus.36

Organismes intergouvernentales

Parmi les soutiens les plus actifs de l’agriculture industrielle, on trouve des instances intergouvernementales comme les organismes onusiens de la FAO et du FIDA, la Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement. Ces agences fournissent un soutien, tant technique, financier que politique, essentiel pour appliquer les changements législatifs. Alors que la FAO se faisait le héraut de l’Année internationale de l’agriculture familiale en 2014, son Directeur-général mettait en garde les gouvernements asiatiques à propos des exploitations “fragmentées” et les poussait à poursuivre des partenariats public-privé plus économiquement viables pour l’agriculture.37 (Photo: FAO)


Notes

1 GRAIN, Hungry for Land, 2014.

2 GRAIN a calculé ces chiffres d’après des projets gouvernementaux existants et des plans annoncés publiquement, mais vu les données limitées disponibles dans plusieurs pays, on peut présumer que le total des terres transférées est nettement plus élevé.

3 Sensus Pertanian Indonesia 2013.

4 “Rebuilding agriculture in Japan,” Yomiuri Shimbun, 10 décembre 2014.

5 Lorenzo Cotula, “Tackling the trade law dimension of land grabbing”, International Institute for Environment and Development, 14 novembre 2013

6 Sally Dakis, “Trade Minister defends tighter foreign investment scrutiny,” ABC Rural, 15 février 2015.

8 Shimizu, K. and Mclachlan, P., “Showdown: the Trans-Pacific Partnership vs. Japan’s farm lobby”, The National Interest, 2 octobre 2014.

9 Stratégie du Japon pour son agriculture dans un monde globalisé (en anglais), 31st policy recommendation of the Policy Council, Japan Forum on International Relations, janvier 2009.

10 Voir par exemple le travail de la FAO sur la propriété et l’administration foncières dans la région Asie-Pacifique en coopération avec UN Habitat, la Banque mondiale, FIDA et la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-ONU) en 2008 et à la 32è conférence régionale de la FAO pour la feuille de route pour l’Asie et le Pacifique en 2014. La Birmanie, le Laos et la Chine promeuvent des programmes de réduction de la pauvreté rurale qui promettent aux paysans des dividendes sur les bénéfices annuels de l’entreprise ou un emploi payé pour les “récompenser” de céder leurs terres.

11 Grimsditch, M. and Henderson, N., “Untitled: Tenure insecurity and inequality in Cambodia land sector,” Bridges Across Borders Southeast Asia, Centre on Housing Rights and Eviction and Jesuit Refugee Services, octobre 2009.

12 FAOSTAT.

13 Le document de 2013 du gouvernement central chinois identifie comme acteurs de l’agriculture chinoise les « grands ménages spécialisés », les coopératives, les exploitations familiales et les grandes entreprises agro-industrielles. Le terme « spécialisés » fait référence à la spécialisation des marchandises produites, mais la division entre grands ménages et fermes familiales n’est pas claire.

16 Rong Yiren.

17 Li Jing, “Changing the face of real estate in Angola“, China Daily, 17 novembre 2014.

18 Jonathan Browning, Yuriy Humber and Alfred Liu, “Japan’s Itochu and CP Group said in talks to invest in Citic“, Bloomberg, 5 décembre 2014.

19 Lin Yuan Zhong Yuan. 2014. Agricultural Land Trust projects and more flowering CITIC Trust intends to re-enter the multi-province. Xinhua, 17 février 2014.

20 Le gouvernement chinois va dépenser 26 milliards de yuans (4 milliards de dollars) pour organiser un processus d’enregistrement destiné à libéraliser le marché des terres rurales, “ P.sdfootnote { margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm; margin-bottom: 0cm; font-size: 10pt; }P { margin-bottom: 0.21cm; }A:link { } China to spend 26 billion yuan to register rights ahead of rural reforms”, South China Post, 27 février 2015.

21 “Rural land reform in China will promote large-scale farms”, Xinhua, 19 octobre 2014.

22 Portia Larlee, “There’s no voice for real farmers”, Mizzima Business Weekly, 4 décembre 2014; Brian McCartan, “Land grabbing as big business in Myanmar”, 8 avril 2013.

23 Larlee, Ibid,

24 Grimsditch, M. and Henderson, N. Untitled: Tenure insecurity and inequality in Cambodia land sector. 2009. Bridges Across Borders Southeast Asia, Centre on Housing Rights and Eviction, Jesuit Refugee Services.

26 Communiqué de presse de l’All India Coordinating Committee of Farmers Movement, janvier 2015.

27 Le Président indien Pranab Mukherjee s’est engagé en février 2015 dans son discours au parlement au début de la session budgétaire. Voir le texte complet de son discours (en anglais) sur : http://tinyurl.com/kykgkcl

30 Darren Daley, Global Association for People and the Environment (GAPE), Champassak Province, Lao PDR. Communication personnelle, 2015.

32 Yoshitaka Mashima : communication personnelle

33 PSCS, “Corporate land grab: a neoliberal menace in Pakistan,” 2015; Michael Kugelman, “Going gaga over grain”, Dawn, 17 septembre. 2009.

34 KMP, “Une vraie réforme agraire reste un rêve lointain pour les paysans philippins”, 2001; Republic Act No. 10601 un décret qui promeut le développement de la mécanisation de l’agriculture et de la pêche.

35 Jamie Wei and Jiun Ru-Chiang, Taiwan Rural Front : communication personnelle, 30 janvier 2015

36 Baramee Chaiyarat. Assembly of the Poor Thailand : communication personnelle 2015

37 FAO. Plan à moyen terme du directeur-général 2014-2017.


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