Les attentats à la bombe au Liban sont liés à la guerre civile en Syrie
Deux attentats à la bombe survenus à Beyrouth, capitale libanaise, ont jeté le pays dans une crise, révélant encore davantage le danger que la guerre civile en Syrie ne déclenche un embrasement plus vaste à travers toute la région.
Vendredi 19 octobre, une explosion massive a tué huit personnes à Beyrouth dont un très haut gradé des Forces de sécurité interne, le brigadier général Wissam al-Hassan. Le bilan fait état de 78 personnes blessées lors de l’explosion qui a touché une patrouille motorisée qui passait dans le quartier historique chrétien de la ville.
Un responsable de la sécurité libanaise a dit aux journalistes qu’immédiatement avant son meurtre, Hassan était rentré d’une visite en France et en Allemagne. Au moment de l’attaque, il se serait déplacé dans un véhicule non blindé malgré les risques évidents associés à sa position et à la volatilité de la politique libanaise.
Le général al-Hassan a mené cette année une enquête impliquant un ancien ministre du gouvernement conduit par le Hezbollah au Liban dans un présumé complot avec des responsables syriens visant à perpétrer des attaques dans le pays. Le ministre faisant l’objet de l’enquête diligentée par Hassan, Michel Samaha, entretiendrait des relations de longue date avec les services secrets américains, français et syriens. Un ancien membre du mouvement des Phalanges fascistes durant la guerre civile libanaise, Samaha avait ces dernières années formé une alliance avec le Hezbollah.
Plusieurs politiciens influents libanais se sont empressés de rejeter la responsabilité de l’assassinat sur le gouvernement de la Syrie voisine. Saad al-Hariri, dirigeant du principal bloc d’opposition au Liban, a accusé le gouvernement de Damas d’être derrière le meurtre d’al-Hassan.
Hariri est le fils de Rafic al-Hariri, l’ancien premier ministre libanais qui avait été assassiné en 2005. Washington et ses alliés locaux avaient imputé ce meurtre à la Syrie, ce qui avait entraîné le retrait forcé des troupes syriennes du pays et la guerre israélienne contre le Liban en 2006. Le général Hassan était considéré être très proche de la famille Hariri et de son mouvement d’opposition du 14 Mars. Le corps d’Hassan a été enterré ce week-end aux côtés de celui de Rafic Hariri.
Le ministre de l’Information, Omran al-Zouebi, a condamné l’attentat en le qualifiant d’« acte terroriste lâche ».
Tout en montrant du doigt Damas, les politiciens pro-américains au Liban ont eu tôt fait de se servir de l’assassinat pour réclamer des protestations de masse contre le gouvernement mené par le Hezbollah. Exigeant la démission du premier ministre Najib Mikati, les figures de l’opposition libanaise ont essayé de profiter de l’attentat à la bombe de vendredi pour réclamer un nouveau gouvernement à Beyrouth qui adopterait une ligne plus dure à l’égard du régime du président syrien Bachar al-Assad.
En réaction aux pressions exercées par l’opposition, Mikati a fait semblant samedi de donner sa démission. Toutefois, le président libanais, Michel Sleimane, lui a demandé de rester à son poste « dans l’intérêt national. »
Une déclaration publiée par le mouvement chiite libanais Hezbollah qui représente le plus important parti de la coalition gouvernementale libanaise a fait état d’un « grand désarroi suite à ce crime horrible » et a exigé que les responsables politique et du renseignement attrapent les coupables.
A Washington, la porte-parole du Département d’Etat, Victoria Nuland, a condamné l’attentat de vendredi à Beyrouth tout en affirmant que les Etats-Unis ne disposaient d’aucune information quant aux agresseurs. Cependant, dans une critique à peine voilée à l’égard de la Syrie, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a précisé que l’assassinat d’Hassan était « un dangereux signe que certains cherchent encore à saper la sécurité du Liban. »
Face à la pression diplomatique émanant de Washington et de ses alliés, le gouvernement à Beyrouth a refusé de se joindre à la campagne menée par les Etats-Unis pour renverser le régime d’Assad. Depuis des décennies, le Hezbollah bénéficie du soutien de la Syrie et du gouvernement iranien.
La guerre par procuration soutenue par les Etats-Unis en Syrie a de nouveau mis à rude épreuve la paix précaire qui existe entre les factions politico-religieuses rivales au Liban. Le gouvernement mené par le Hezbollah et les partis d’opposition entrent de plus en plus souvent en conflit au sujet de la réaction à avoir face à la guerre civile en Syrie. Les combattants « rebelles », principalement les Islamistes, ont pu accéder à certaines parties du Liban pour lancer des attaques à l’intérieur de la Syrie et y approvisionner les forces de l’opposition.
Au cours du weekend, des manifestants se sont rassemblés à Beyrouth et dans d’autres villes et villages, bloquant les routes en brûlant des pneus et en s’affrontant à la police. Il y a eu des articles qui ont fait état de combats intenses dans la ville de Tripoli, dans le Nord du Liban, un centre d’opposition contre le gouvernement mené par le Hezbollah et un bastion pour le soutien à l’opposition syrienne.
Alors que les protestations anti-syriennes et anti-Hezbollah se déroulaient dimanche, un nouvel attentat s’est produit à Beyrouth. Une voiture piégée a explosé devant un poste de police dans le même quartier chrétien animé de la ville en faisant au moins 13 morts et un bien plus grande nombre de blessés.
Aucun groupe n’a revendiqué la responsabilité des deux attentats.
Article original, WSWS, publié le 22 Octobre 2012