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Centre de recherche sur la mondialisation

Militarisation et corridors p�troliers :

Le cas de l��quateur

Par Micheline Ladouceur

www.globalresearch.ca    15 julllet 2003

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Au moment de la signature des accords militaires en novembre 1999 (Plan Colombie) , les �tats-Unis promettaient une aide financi�re � l�arm�e �quatorienne dans le but de � prot�ger la fronti�re�. D�autre part, l�aide militaire allou�e � la base de Manta fut quadrupl�e.(1) Cette aide financi�re eut �galement pour cons�quence l�octroi de contrats juteux aupr�s de la DynCorp, une entreprise sp�cialis�e connue pour ses liens avec la CIA. Financ�e par l�aide militaire, la DynCorp obtenait un mandat pour l�entretien de l�infrastructure de la base de Manta. Elle aurait �galement sign� plusieurs contrats avec des firmes de mercenaires.

Cette d�marche devrait se r�aliser dans le cadre d�un processus de militarisation des r�gions.(2)

D�s la premi�re ann�e du Plan Colombie, la � fronti�re de la militarisation � avan�ait vers les zones p�troli�res de l��quateur (Pacifique �Amazonie). L�arm�e coop�re avec les entreprises p�troli�res afin d�assurer la s�curit� des corridors p�troliers, notamment l�ol�oduc de p�trole brut lourd (OCP) :

Le Haut Commandement des Forces arm�es travaillent en liason permanente avec les repr�sentants des p�troli�res,�assurant la s�curit� g�n�rale des zones p�troli�res de l�est du pays. Oui, ils ont des ententes [avec les p�troli�res] afin de pourvoir les services de s�curit� dont elles auraient besoin. (�) Nous sommes en train de d�velopper des installations militaires � la fronti�re et nous augmenteront notre personnel, ainsi que nos effectifs en equipement militaire. (3)

Encadr� no. 5 : Le pipeline SOTE

Le pipeline Trans-�quatorien, SOTE , (de la compagnie d��tat PetroEcuador, en partenariat avec Texaco), a fait l�objet de plusieurs actes de sabotage ainsi que des probl�mes d�entretien (plusieurs stations de pompe risquent de s�effondrer).(4) Ce pipeline de 498 km partant de la r�gion de Lago Agrio jusqu�� la station de Balao (pr�s du port d�Esmeraldas) fut construit dans les ann�es soixante-dix sous les pressions de la p�troli�re Texaco.

Les 25 000 autochtones affect�s par le projet ont poursuivi la compagnie Texaco pour les dommages environnementaux catastrophiques (entre autres la contamination de l�eau (provoquant des maladies, telle une tr�s forte hausse de cancer dans la r�gion de Lago Agrio). Au Nord de Lago Agrio, une ethnie a disparu suite � la construction du pipeline. Avec les mesures d�ajustement structurel, l��tat n�a plus les moyens de financer cet ol�oduc.

L�Ol�oduc de p�trole brut et lourd (OCP)

Sous la pression des p�troli�res �trang�res, le gouvernement proposa la construction de l�ol�oduc de p�trole brut et lourd, connu sous le nom d�OCP. (�Oleoducto Crudo Pesado �) suivant parall�lement la route du pipeline SOTE au sud (voir carte sur le site d�OCP Consortium Ltd et voir encadr� no. 5).(5) En 2000, l�OCP fut d�clar� � projet prioritaire dans la politique de l��tat � (avec une capacit� de 150 000 barils de p�trole brut par jour).

Le gouvernement confia le projet de construction du nouvel ol�oduc � un consortium de transnationales (Alberta Energy Company Ltda., AGIP, Kerre Mc Gee, Oxy d�j� pr�sente dans le Nord du pays, Repsol-YPF, Technic et Perez Companc). Suite � l�approbation du commandant des forces arm�es (s�curit� nationale), un contrat fut sign� avec le Minist�re de l��nergie et des mines (f�vrier 2001) octroyant � OCP une concession sur de vastes �tendues de terres pour la gestion, la construction et les op�rations du pipeline durant 20 ans.

Carte no 3 : Les ol�oducs en �quateur (sauf l�OCP)


Source: PetroEcuador, http://www.petroecuador.com.ec/oleoducg.htm

La Banque mondiale devait financer le pipeline. Mais la publication d�un rapport par un ancien cadre de la Banque mondiale contraint l�institution � refuser le financement. Robert Goodland, all�guait dans son rapport que le projet OCP allait � l�encontre des politiques sociales et environnementales de la Banque mondiale.(6) La plus grande banque du monde, Citigroup,(7) constitue le principal investisseur du projet OCP. Pour sa part, la banque allemande WestLB repr�sente le financement majeur de l�ol�oduc avec un pr�t de 900 millions de dollars.

Fonds du P�trole et dette

Les accords de pr�ts du FMI (2002) exig�rent la r�forme de la loi du R�gime fiscal. Le gouvernement �quatorien devait cr�er un � Fonds du p�trole � gr�ce � l�OCP. Les revenus de l�OCP doivent assurer le paiement de la dette (externe et interne). (Au moment des n�gociations, la construction de l�ol�oduc �tait termin�e � 40%.)

Selon la � Loi de Responsabilit�, Stabilisation, et Transparence fiscale �, 70 % des revenus du p�trole du pipeline doivent servir � payer la dette alors que 20% est attribu� au �Fonds du p�trole�, dit �fonds de stabilisation et d�urgence� (ce fonds est utilis� pour payer le service de la dette dans le cas o� le co�t du p�trole chuterait) et seulement 10% sont allou�s aux programmes sociaux. C�est ainsi que 90% des revenus de l�ol�oduc sont canalis�s vers le paiement de la dette ext�rieure ($16 milliards en 2002, repr�sentant 95% du PIB).

Ces nouvelles mesures �conomiques furent impos�es dans le contexte de la nouvelle Constitution qui ouvrait compl�tement l��conomie du pays aux investisseurs �trangers.(8) En f�vrier 2002, le Pr�sident Guti�rrez (en fonction depuis janvier 2003) signa de nouveaux accords de pr�ts avec le FMI � Washington.(9) Par la m�me occasion, � l�h�tel Waldorf Astoria de New York, le Ministre de l��nergie et des Mines, Carlos Arboleda Heredia, rencontrait � huis-clos les dirigeants de Chevron et Oxy. Lors de la campagne �lectorale, Lucio Gutierrez avait d�ailleurs promis � de respecter tous les contrats � avec les compagnies �trang�res.

Le pillage des terres autochtones

� partir des champs de p�trole brut et lourd de l�Amazonie jusqu�� la c�te du Pacifique (en traversant les Andes), l�ol�oduc OCP (508 km) passe par une r�gion o� se trouvent 67 failles g�ologiques et pr�s de six volcans. Cette r�gion est �galement marqu�e par une grande pauvret� o� vivent plusieurs peuples autochtones : Achuar, Shuar, Huac Quichua, Shiwiar et la nation Zapara. (La culture zapara de l��quateur et du P�rou a �t� reconnue comme patrimoine culturel et linguistique par l�Unesco). L�octroi de nouvelles concessions aux p�troli�res en Amazonie pour le d�veloppement du projet OCP a d�j� entra�n� l�expropriation de plusieurs de ces peuples.(10) (La majorit� de ces communaut�s autochtones n�ont jamais accept� l�exploitation du p�trole sur leurs terres.) Par ailleurs, le pipeline constitue un �norme risque de contamination de l�eau (le pipeline traverse les sources d�eau de la r�gion de Papallacta).(11) Le pipeline aura �galement des impacts sur les communaut�s noires de la c�te du Pacifique dans la province d�Esmeralda (d�j� tr�s affect�es par la pollution des raffineries et la pauvret�).

Malgr� une forte opposition au projet de la part des populations autochtones et des groupes environnementalistes, le gouvernement de Noboa accorda le permis environnemental pour la construction du pipeline estim�e � plus d�un milliard de dollars (juin 2001). Le Pr�sident Gustavo Noboa avait d�nonc� les mouvements sociaux et environnementaux qui s�opposaient au m�gaprojet en affirmant que le projet se r�aliserait co�te que co�te :

L�ol�oduc va de l�avant parce qu�il va de l�avant. (12) Je ne vais pas laisser des � saboteurs � [dirigeants autochtones, environnementalistes et d�fenseurs des droits humains] de � d�truire � le pays. Je vais leur faire la guerre, oeil pour �il Avant on savait qui ils �taient. Nous savions qu�il s�agissait de l�extr�me gauche� Maintenant ce sont les Verts, �cologistes� �. (13)

L�ann�e pr�c�dant la signature du contrat, le gouvernement avait propos� une loi pour �liminer la repr�sentation des communaut�s autochtones dans l�Institut d��tat (Institut pour l��co-D�veloppement) en charge du d�veloppement de la r�gion amazonienne. Cela permettait au gouvernement d�octroyer des concessions p�troli�res en Amazonie sans consulter les repr�sentants autochtones. Cette m�me ann�e, Occidental (Oxy) avait demand� l�expropriation de 45 acres sur les terres autochtones des Quichua. Vu le refus des autochtones, Oxy demanda au gouvernement de d�clarer les terres ancestrales comme des terres � d�usage public � afin de permettre l�expropriation de la population autochtone.(14)

Corridor militaris� et corridor de d�veloppement

Le consortium OCP entretient une �troite coop�ration avec les militaires �quatoriens. D�s le d�but de sa construction le corridor de pipeline fut militaris� � la demande des p�troli�res. Le chef de la s�curit� de la transnationale argentine, Andr�s Galvez, confirmait la pr�sence de militaires � divers points strat�giques du pipeline.(15) La transnationale ENI/AGIP fut �galement accus�e formellement de favoriser la militarisation de la r�gion de San Virgilio tout en cr�ant des conflits sociaux � l�int�rieur de la communaut� o� vit la nation Pastaza.

� Cette p�troli�re (ENI/AGIP) nous emp�che l`acc�s � nos territoires qui sont maintenant militaris�es avec des gardes de s�curit� et des cl�tures �lectriques. Cette militarisation constitute une menace � nos vies. �(16)

Au d�but de 2002, les p�troli�res firent pression sur le gouvernement pour � renforcer la s�curit� � de l�ol�oduc, menant � la d�claration d�un �tat d�urgence dans les provinces de Sucumbios et d�Orellana.

Plusieurs manifestations sporadiques ont tent� en vain de bloquer l�avancement du projet OCP tout en s�opposant � la militarisation. Les communaut�s paysannes ont d�nonc� � la violence et l�intervention des forces publiques aupr�s des paysans durant tout le processus de construction de l�ol�oduc �.(17) De plus, le mouvement � Red Amaz�nica � (r�seau amazonien) soulignait � l�agression permanente et hostile d�un groupe paramilitaire se nommant Police sp�ciale de l�OCP �.(18) (Ces manifestations furent r�prim�es par les militaires.)

Afin d�att�nuer l�instabilit� sociale et de � pacifier� cette r�gion, les p�troli�res ont tent� de donner un � visage �cologique � et � humain � au projet OCP. Des � corridors de d�veloppement �cologique et social� furent int�gr�s aux � zones �cologiques� existantes. Ce pr�sum� d�veloppement social et �cologique (228 micro-projets) est g�r� exclusivement par l�entreprise priv�e. Ces micro espaces r�partis le long du corridor du pipeline correspondent parfaitement � la rh�torique des g�ants p�troliers qui sentent le besoin de rehausser leur � image verte �. Mais L�OCP a rempli peu de ses promesses malgr� la col�re des populations.

Dans la r�gion de Mindo qui est caract�ris�e par un �cosyst�me tr�s fragile, l�OCP avait propos� l��cotourisme ainsi qu�un cadre visant le d�veloppement de la recherche sur la biodiversit�.(19) Un fonds �cologique fut cr�� par l�OCP en collaboration avec des organisations environnementales (16.93 millions proviennent du financement de l�OCP S.A. et d�Encana, entreprise canadienne impliqu�e dans la construction). Mais jusqu�� pr�sent la r�gion de Mindo est fortement affect�e par la d�forestation et la construction de gratte-ciel.


Notes

  1. Roberto Godoy, "Brasil ativa hoje rede de radares da Amaz�nia", O Estado de S�o Paulo, 25 juillet 2002, http://www.estado.estadao.com.br/editorias/2002/07/25/pol038.html
  2. Lors d�une visite officielle en �quateur en mars 2003 (au Fuerte Militar Amazonas) le g�n�ral �tats-unien James T. Hill (chef du Commando Sud) d�clarait qu�il serait important de � r�gionaliser le Plan Colombie �, souhaitant une plus grande participation de l�arm�e �quatorienne, aux cot�s des �tats-Unis, dans le � conflit � en Colombie. Redacciones Puyo y Quito, "Hill insiste en regionalizar el Plan Colombia", Elcomercio.com, 18 mars 2003, http://www.elcomercio.com/noticias.asp?noid=55109 Le g�n�ral Hill avait d�j� d�clar� : � le probl�me qui existe en Colombie est �galement le probl�me de l��quateur, du Br�sil, du Venezuela, du P�rou et des �tats-Unis, et nous pourrons le r�gler seulement si nous luttons ensemble. �  Lcdo. Eddie Rodr�guez B, "El Presidente Lucio Guti�rrez Entre la ingobernabilidad y el intervensionismo", Orenses, 8 janvier 2003, http://www.orenses.com/noticias/ccontenido.php3?f=MjAwMy0wMS0wOA==&a=MzI1OQ
  3. "Plan Colombia: Grave problema para el Ecuador", La Hora, 5 juillet 2001.
  4. En juin 2001, un tron�on du pipeline s�est rompu entre Baeza et Papallacta suite � des �boulements. Voir carte de l�ol�oduc SOTE au site de PetroEcuador : http://www.petroecuador.com.ec/oleoducg.htm
  5. Voir route du pipeline, OCP Bulletin, no 8, juin 2002, p.7, http://ocpecuador.com/images/revistas/pdf/ingles/julio2002.pdf
  6. Voir le rapport incluant une carte de la route du pipeline: Robert Goodland, � Ecuador : Oleoducto de Crudos Pesados � 9 septembre 2002", http://www.regenwald.org/pdf/ocp-assess.pdf
  7. Citigroup constitue la principale source de financement des pipelines � l��chelle internationale (notamment les plus controvers�s, par exemple le pipeline Tchad-Cameroun et le gazoduc Camisea au P�rou et il a financ� Oxy en Colombie).
  8. Ing. Pablo Ter�n R., Ministro de Energ�a y Minas, "Nace un Nuevo Ecuador, Oleoducto de Crudos Pesados", 2002, http://www.menergia.gov.ec/php/whole_art.php?whole=CAP0000103
  9. L�administration Bush annon�ait �galement une aide financi�re de $116 millions. Cette aide devrait permettre le renforcement de la militarisation de l��quateur � la fronti�re Nord (Colombie).
  10. En �quateur, il reste moins de 200 personnes dans la province amazonienne de Pastaza. Mais la nation Zapara n�appara�t pas dans le cadastre des terres autochtones d��quateur. Voir � Carte des peuples d��quateur �, Pueblos de Ecuador, http://abyayala.nativeweb.org/ecuador/pueblos.php
  11. CONAIE, Acci�n Ecol�gica, FENOCIN, APDH, "Quienes Son los que Realmente Joden al Pa�s?" 22 mai 2001, http://www.unii.net/opip/coniae.html
  12. � I�m not going to allow four mayors and a couple of jerks to screw the country, I�ll give them war!". The Advocacy Project, "The New Oil Pipeline: A Long Battle", 2002, http://advocacynet.autoupdate.com/cpage_view/amazonoil_pipeline_17_62.html et voir "Ecuadorian President Approves Pipeline Backed by Occidental", Drilbitts and Tailings, Volume 6, number 5, 30 juin 2001, http://www.moles.org/ProjectUnderground/drillbits/6_05/3.html
  13. CONAIE, op.cit
  14. WRM, "Ecuador: el Presidente declara guerra "trinchera a trinchera" ... contra ecologistas", Bolet�n N� 46 del WRM, mai 2001, http://www.wrm.org.uy/boletin/46/Ecuador.html et Adela L�pez, "La construcci�n del oleoducto de crudos pesados es un delito�", Rebeli�n Ecolog�a, le 19 f�vrier 2002, http://www.rebelion.org/ecologia/oleoducto190202.htm
  15. "Occidental Petroleum want indigenous land for oil" , Accion Ecologica Press Release, 13juillet 1999 sur le site Amazonia http://www.amazonia.net/Articles/320.htm
  16. � Les militaires prot�gent la construction de l�OCP �, El Comercio, 13 octobre 2001, Article sur le site Accionvida, Info�quateur, http://accionvida.inforoots.org/infoequateur.htm
  17. "Esta empresa petrolera nos proh�be el paso a nuestros territorios militarizando con guardias de seguridad como tambi�n con la instalaci�n de cercas el�ctricas atentando con nuestras vidas muchas veces." Communaut�s de San Virgilio, Pastaza, �quateur: http://www.unii.net/sanvirgilio.html
  18. Acci�n Ecol�gica,"Ecuador: Campesino detenido en Lago Agrio por un juicio impuesto por el Oleoducto de Crudos Pesados", Acci�n Urgente", 13 ao�t 2002, http://www.biodiversidadla.org/noticias5/noticias615.htm
  19. ALTERCOM, "Campesinos se levantan impidiendo construcci�n de oleoducto en Amazonia ecuatoriana: 15 Italianos se toman Oficinas de ENI en Quito", Geocities, juin 2002, http://www.geocities.com/shinallatak/italianos.htm
  20. Noticias OCP, no 8, juin 2002, http://ocpecuador.com/paginas/frameocp.asp?direct=8
  21. Fondo ecol�gico para los proyectos ambientales, "Ecuador y un grupo de organizaciones no gubernamentales crearon un fondo ecol�gico (Eco Fondo) con el financiamiento de $16,93 millones." 19 novembre 2002, http://www.hoy.com.ec/textofinal.asp?numero=131609&texto=ocp

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Micheline Ladouceur est g�ographe sp�cialis�e sur les droits territoriaux en Am�rique latine. Elle est �galement r�dactrice, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Copyright Micheline Ladouceur  2003.  For fair use only/ pour usage �quitable seulement .


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